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Pour un modèle alternatif de développement du Maroc, Par Yasser Y. Tamsamani, Joseph Brunet-Jailly, Abdellatif Komat et Fouzi Mourji

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À partir d’une large revue des écrits théoriques et empiriques ainsi que des divers constats et diagnostics établis à propos du modèle économique marocain, nous développons dans cette étude (Document de travail 01) des analyses pour expliciter les raisons et les mécanismes à l’origine des limites que connait le modèle qui a prévalu et qui prévaut au Maroc ; ensuite nous formulons des propositions de stratégies correctives avec un argumentaire fondé sur les conclusions des précédentes analyses.
Dans ce cadre, nous mettons en exergue et tentons de justifier le rôle central que joue selon nous le partage primaire des richesses, en l’occurrence celui de la valeur ajoutée qui se fait au détriment des salaires. Les comparaisons internationales, dans une perspective historique, permettent de rapprocher le Maroc de la situation dans laquelle se trouvaient des pays ayant réussi leur émergence et développement.
Nous montrons comment le partage actuel au Maroc perpétue les inégalités selon plusieurs canaux : il freine les progrès en matière d’éducation, favorise la concentration sur une classe de l’accumulation du capital (qui se traduit par une transmission intergénérationnelle des inégalités), ce qui compromet de ce fait la promotion de l’investissement productif, au profit de placements de rentes (comme dans l’immobilier) et donc inhibe les possibilités de gains de productivité et in fine explique l’atonie de la croissance. Mise en regard avec le rythme de progression de la population en âge de travailler, celle-ci explique pour une grande part l’importance du chômage au Maroc et la persistance de poches de précarité.
Les recommandations auxquelles nous parvenons et que nous exposons sous forme de propositions touchent plusieurs volets. Par exemple la fiscalité du patrimoine : nous discutons du bien-fondé de la mise en place d’une telle fiscalité mais aussi des précautions à considérer. Nous relevons ensuite ce qui pourrait-être réalisé au niveau d’une politique nationale des rémunérations et en matière de politique de la concurrence. Un argumentaire est développé pour justifier les mesures que nous préconisons pour une réorientation de l’appareil productif national, ou pour un renouveau du syndicalisme et encore pour une moralisation des entreprises (avec notamment un encadrement de la sous-traitance).
Soulignons cependant que chacune de ces propositions nécessite, pour être déclinée en mesures concrètes et nuancées, une analyse spécifique et de larges concertations, qui devraient intervenir après le débat national sur les grands traits du modèle de développement alternatif.
Conscients du rôle tout aussi crucial de l’investissement en capital humain et en capital physique, deux annexes sont consacrés l’une à la politique éducative et l’autre aux conditions de promotion et de réussite de l’investissement productif (parmi lesquelles le rôle dévolu à la composante publique de l’investissement productif).
Le choix de traiter ces deux grandes questions à part est inhérent au souci de maintenir une unité de la réflexion et des conclusions qui ressortent de la question du partage primaire des richesses. Cependant à l’image de la démarche adoptée pour traiter cette dernière, chacune des annexes comporte à la fois des analyses et argumentaires pour expliquer les raisons des diagnostics d’échec relevés et pour préparer et justifier les propositions que nous recommandons.
De nos analyses à propos de l’investissement, il ressort que pour sortir l’économie marocaine de son actuelle atonie, il importe de repenser les choix en matière d’investissement public qui doivent privilégier les branches ayant des effets d’entraînement les plus larges sur l’économie et nous énonçons quelques critères de référence. Nous insistons sur l’opportunité de pousser les banques à mieux remplir leur rôle de financement du secteur productif.
L’annexe relative à la politique éducative montre comment les biais proviennent en partie des sources d’inspiration sur lesquelles elle a été fondée au cours de l’histoire récente. En l’occurrence des rapports et orientations qui ne prennent pas suffisamment en compte les réalités propres du pays. Nous concluons qu’il importe de ne pas se contenter d’objectifs quantitatifs (nombre d’élèves inscrits), mais qu’au contraire, une place essentielle doit être réservée à l’acquisition de compétences et savoir-faire (mesurées, à tous les niveaux du système éducatif, par des tests mondialement reconnus).