Par :
Fatima-Zahra Aazi, Martine Audibert, Youssef Bouazizi, Safia Fekkaklouhail, Marouane Ikira, Hicham Masmoudi, Fouzi M. Mourji, Zineb Nahmed, Meriem Oudmane, Yasser Y. Tamsamani.
Résumé :
Le Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS) est une maladie infectieuse, provoquée par des coronavirus émergents responsables de trois épidémies mortelles depuis le début du XXIème siècle. La première observée en novembre 2002 (SARS-CoV), dans le sud de la Chine, puis 10 ans après, en 2012, en Arabie Saoudite avec le MERS-CoV et l’épidémie actuelle, qui a débuté à Wuhan en Chine en décembre 2019. Le 7 janvier 2020, les scientifiques chinois déterminent un nouveau coronavirus comme la cause de cette maladie. Vu les traits de similarité avec le SARS-CoV, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) donne l’appellation SARS-CoV-2 au nouveau virus et Covid-19 à la maladie qui lui est associée. Après l’annonce, le 20 janvier 2020, de la preuve de la transmissibilité interhumaine du virus par l’épidémiologiste Zhong Nanshan, les autorités chinoises ont confiné chez eux les habitants de la ville de Wuhan, arrêté tous les moyens de transport et interdit à quiconque de sortir de la ville et d’y entrer.
Contrairement aux deux précédentes épidémies, celle du Covid-19 s’est propagée à l’ensemble de la planète. Fin janvier, les premiers cas sont apparus en Europe, puis sur le continent américain et le continent africain. Le 30 Janvier, l’OMS déclarait l’état d’urgence sanitaire mondiale. Les épidémiologistes semblent s’accorder pour dire que les épidémies liées aux coronavirus sont désormais cycliques, les gouvernants devant s’attendre à voir réapparaître d’autres épidémies de SRAS.
Les objectifs du présent travail de recherche consistent à évaluer sous divers angles l’impact de cette crise sanitaire au Maroc et des dispositions prises pour y faire face, à comprendre les mécanismes qui sous-tendent l’enchaînement des effets dans le but de doter les décideurs d’outils pour optimiser les bienfaits des stratégies qu’ils peuvent déployer. Il s’agit à court terme de réfléchir aux modalités de sortie de la crise actuelle et à plus long terme, aux mesures préventives à identifier pour mieux faire face à de futures résurgences de ce type de crise.
Au Maroc, le premier cas de Covid-19 (importé d’Italie) a été enregistré le 2 mars 2020. Assez rapidement le virus circule, les premiers cas autochtones apparaissent et l’épidémie se répand relativement lentement d’abord, pour atteindre 21.387 cas fin juillet (https://www.coronavirusstatistiques.com/stats-pays/coronavirus-nombre-de-cas-maroc/), et par la suite bien plus rapidement. Le 24 août, le nombre total cumulé de cas a atteint 53254 dont 920 décès. Bien que peu touché au départ, les autorités ont opté tôt pour le confinement de la population, la fermeture des frontières aériennes, maritimes et terrestres et l’annulation de toutes manifestations politique, religieuse, culturelle et sociale. De ce fait, le nombre moyen de reproduction de la maladie(R0) est passé de plus de 2 au début de la pandémie à 0.7 le début juin (ministère de la santé, voir tableau A1.11). Ainsi la pandémie de Covid-19 n’aura pas causé de crise sanitaire majeure au Maroc durant la première phase, cependant les mesures de prévention arrêtées par les autorités se sont soldées par des conséquences non négligeables sur l’économie en affectant la production et la consommation et par là, le niveau de vie des marocains en creusant les inégalités. Certes, les autorités ont très tôt pris des mesures palliatives en octroyant des aides aux plus vulnérables, mais elles n’ont pas été, comme nous le montrons, suffisantes pour empêcher une dégradation du niveau de vie.
Étant donné les objectifs qui ont motivé cette recherche, ce rapport se focalise sur trois grandes préoccupations :
i) d’abord au niveau sanitaire, nous analysons les conséquences des mesures de prévention contre le Covid-19 prises par les autorités en vue de proposer des outils pour cibler les groupes potentiellement les plus vulnérables en cas de résurgence d’une telle épidémie. Ainsi au-delà des facteurs de risque actuellement connus, nous avons brossé le profil des personnes à cibler et à protéger en priorité.
ii) ensuite, nous mesurons les retombées micro et macroéconomiques des décisions visant à limiter l’expansion de l’épidémie, notamment le confinement. Une fois distingués les secteurs ayant subi un choc d’offre et ceux un choc de demande et pris en compte les mesures de soutien prises, des traitements sur le tableau des Entrées-Sorties nous ont permis alors de formuler des propositions destinées d’une part à en atténuer les effets négatifs sur la croissance économique et d’autre part à identifier les secteurs idoines qu’il convient de soutenir pour faciliter la relance.
iii) enfin, après ces travaux sur la dimension sanitaire et sur l’appareil productif, l’attention porte sur le vécu des ménages. Le recours aux données d’enquêtes a constitué un moyen efficace pour appréhender l’impact de la crise sanitaire et des dispositions qui s’en sont suivies sur le niveau de vie des ménages, notamment celui des classes pauvres. Outre l’estimation du volume de la population qui a sombré dans la précarité, nous mesurons les conséquences sur les inégalités. Pour discuter la portée des mesures palliatives (les aides distribuées aux ménages), ces aspects sont traités avant et après leur mise en œuvre.