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Scolarisation et lieu d’études : quel lien maintiennent-ils entre eux? par Abdeljaouad Ezzrari

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L’éducation et la formation sont des secteurs clés pour le développement économique et social d’un pays. Au Maroc, plusieurs progrès ont été réalisés depuis l’indépendance en matière d’alphabétisation des adultes et en matière de scolarisation des jeunes générations, toutefois ces progrès sont entravés par la persistance des inégalités spatiales et du déficit des infrastructures scolaires.
En effet, l’analyse des indicateurs d’éducation et de formation à partir des données du RGPH 2014 aboutit aux constats suivants :
-De fortes disparités territoriales en termes d’accès à l’enseignement, tous niveaux confondus (préscolaire, primaire, secondaire collégial, secondaire qualifiant et supérieur).
-Une forte corrélation entre le niveau scolaire et le lieu d’études : plus le niveau scolaire s’élève plus les élèves/étudiants quittent leurs communes/provinces de résidence pour se rendre à l’école/université.
-Les disparités territoriales en termes d’accès à l’enseignement collégial et secondaire reflètent les disparités en termes d’infrastructures scolaires (offre éducative).

Une scolarisation différenciée sur le territoire
Selon les données du RGPH 2014 (Open Data [1]), le taux spécifique du préscolaire [2] des enfants de 5-6 ans s’élève à 55,2% à l’échelle nationale, 75,8% en milieu urbain et 28,7% en milieu rural. Au niveau régional, le taux spécifique de préscolarisation le plus élevé est observé dans les régions du sud, avec un taux de 72,0%, tandis que les taux les plus faibles sont observés dans les régions « Oriental » (46,0%), « Béni-Mellal-Khénifra » (46,8%) et « Daraa-Tafilalet » (48,2%).
Au niveau provincial, les provinces « Rabat » (88,0%), « Casablanca » (83,1%) et « Agadir Ida Outanane » (80,4%) affichent les taux spécifiques de préscolarisation les plus élevés. Pour les taux les plus faibles, ils sont observés dans les provinces « Taounate » (24,5%), « Moulay Yaacoub » (26,4%), « Chefchaouan » (30,2%) « Sidi Bennour » (30,4%) et « Chichaoua » (30,8%).

Les taux nets de scolarisation dans les niveaux primaire, collégial, secondaire et supérieur affichent également de fortes disparités territoriales :
Pour le niveau primaire : le taux net de scolarisation [3] dans le primaire 7-12 s’élève à 89,1% à l’échelle nationale, 89,6% en milieu urbain et 88,4% en milieu rural. A l’échelle régionale, ce sont les régions « Eddakhla-Oued Eddahab » (92,1%) et « Sous-Massa » (91,8%) qui affichent des taux les plus élevés, alors que le taux le plus faible est enregistré dans la région « Oriental » (86,8%). A l’échelle provinciale, les provinces « Errachidia » (92,6%) et « Tata » (93,5%) affichent les taux nets les plus élevés de scolarisation dans le primaire, alors que les taux les plus faibles sont enregistrés dans les provinces « Figuig » (69,4%) et « Jerada » (84,0%).
Pour le niveau collégial : le taux net de scolarisation des 13-15 ans dans le collège s’élève à 56,3% à l’échelle nationale, 69,6% en milieu urbain et 39,1% en milieu rural. Au niveau régional, le taux net le plus élevé est observé dans les régions du Sud (65,6%) et les taux nets les plus faibles s’affichent dans les régions « Marrakech-Safi » (46,6%), « Daraa-Tafilalet « (53,3%) et « Oriental » (53,9%). Au niveau provincial, les provinces « Rabat » (74,6%) et « Casa » (74,2%) affichent les taux les plus élevés et les taux les plus faibles sont enregistrés dans les provinces « Chichaoua » (29,6%), « Fahs-Anjra » (32,6%) et « Chefchaouan » (32,9%).
Il en est de même pour les taux nets de scolarisation dans les niveaux secondaire et supérieur. C’est ainsi que les provinces qui observent les taux nets de scolarisation les plus faibles dans le secondaire et le supérieur sont « Chichaoua », « Chefchaouen » et « Fahs-Anjra ».

Un accès à la scolarisation inégal
Les données du RGPH 2014, ont permis pour la première fois de collecter l’information sur le lieu d’études des personnes scolarisées durant l’année 2013-14, et par conséquent d’appréhender leurs déplacements domicile-lieu d’études.
La structure du lieu d’études montre que plus de la moitié (54,4%) des personnes scolarisées étudient dans leur quartier/douar, 29,8% se déplacent dans un autre quartier/douar au sein de leur commune de résidence pour se rendre à l’établissement scolaire. Quant au déplacement vers une autre commune dans la même province de résidence, il est évoqué par 9,8% des personnes scolarisées. Se déplacer vers une autre province pour se rendre à l’établissement scolaire ne concerne que 6% de l’ensemble de la population scolarisée.
Cette structure moyenne cache des disparités selon le milieu de résidence, la province, la région et également selon le cycle d’enseignement. En effet, selon le milieu de résidence, les ruraux sont plus enclins à se déplacer à une autre commune de leur province de résidence que les citadins pour se rendre à l’établissement scolaire, soit respectivement 14,5% et 7,5%. S’agissant du déplacement dans une autre province, nous relevons qu’il est relativement plus important en milieu urbain (6,0%) qu’en milieu rural (5,4%).

Structure du lieu d’études selon le milieu et la région

Source : HCP, RGPH 2014 (Données de 10% – Open Data)

Selon la région, la part des personnes scolarisées qui étudient dans leur commune de résidence (même quartier/douar ou autre quartier/douar) est plus importante dans les régions « Dakhla-Oued Eddahab », « Laâyoune-Sakia El Hamra » et « Béni Mellal-Khénifra », soit respectivement 94,3%, 91,2% et 87,8%. Le déplacement des personnes scolarisées vers d’autres communes ou provinces pour se rendre à l’établissement scolaire est relativement important dans les régions « Casablanca-Settat » et « Rabat-Salé-Kénitra ». En effet, 21,1% des personnes scolarisées dans la région « Casablanca-Settat » se rendent à d’autres communes ou provinces pour étudier, dont 8,3% se déplacent à l’extérieur de leurs provinces. Ces pourcentages sont respectivement de 17,4% et 7,2% dans la région « Rabat-Salé-Kénitra ».
Au niveau provincial, la part la plus importante des personnes scolarisées s’orientant vers d’autres communes pour se rendre à l’établissement scolaire est observée dans les grandes villes et dans les provinces qui leur sont limitrophes. Il s’agit notamment des provinces « Rabat », « Skhirate-Temara » et « Salé » d’une part, et des provinces « Casablanca », « Nouaceur », « Mediouna », « Ben Slimane » et « Berrchid » d’autre part.
En ce qui concerne, les flux Domicile-lieu d’études en dehors de la province, ils sont plus élevés dans les provinces « Nouaceur » (19,7%), « Skhirate-Temara » (15,6%), « Benslimane » (12,5%), Médiouna (12,4%), Al Hoceima (11,4%), « Tan-Tan et Assa-Zag» (10,9) et « Berrchid » (10,9%).

Classement des provinces selon le pourcentage de flux domicile-lieu d’études en dehors de la commune ou de la province de résidence

Source : HCP, RGPH 2014 (Données de 10% – Open Data)

Selon le niveau d’enseignement, la quasi-totalité des enfants en âge du préscolaire (94,1%) et ceux en âge du primaire (94,8%) se rendent dans les établissements d’enseignement se trouvant dans leur commune de résidence dont la majorité dans le même quartier/douar de résidence (voir tableau 1).
Plus le cycle d’enseignement s’élève plus le déplacement pour se rendre au lieu d’études dans les autres communes ou autres provinces est élevé. C’est ainsi que 13,2% des enfants scolarisés dans le secondaire collégial se déplacent dans une autre commune dans la province pour se rendre au lieu de leur établissement et 3,3% se rendent dans d’autres provinces. Ces pourcentages s’élèvent respectivement à 19,4% et 8,1% pour le niveau secondaire qualifiant et à 26,2% et 39,7% pour le niveau supérieur.
Ces résultats montrent qu’il y de fortes inégalités spatiales (provinciales) en termes d’infrastructure scolaire qui s’accentuent avec le niveau d’enseignement.

Ventilation du lien d’études selon le niveau d’enseignement

Source : HCP, RGPH 2014 (Données de 10% – Open Data)

Pourcentage des élèves se rendant à d’autres communes et provinces pour étudier selon leur niveau d’enseignement

Source : HCP, RGPH 2014 (Données de 10% – Open Data)

Quand les disparités spatiales en termes de scolarisation et l’inégal accès à l’école vont de pair
La ventilation entre l’accès à la scolarisation et le lieu d’études montre que les provinces affichant les plus faibles taux de scolarisation dans le collège et le secondaire sont les provinces dont la part des élèves qui étudient à l’extérieur de leurs communes de résidence est élevée.
Pour le niveau supérieur, la corrélation négative entre le taux net de scolarisation dans le supérieur et le fait d’étudier à l’extérieur de la province n’est pas vérifiée, elle est même positive dans la mesure où les taux de scolarisation dans le supérieur les plus élevés sont affichés dans les provinces dont la part des étudiants s’orientant aux autres provinces pour étudier est élevée.
Il en ressort que, les disparités territoriales en termes d’accès à l’enseignement collégial et secondaire est imputable essentiellement aux disparités en termes d’infrastructure scolaires.

Par

EZZRARI Abdeljaouad
Economiste au Haut-Commissariat au Plan et Chercheur associé au LASAARE. Contact : ezzrari@yahoo.fr

[1] https://www.hcp.ma/downloads/RGPH-2014-Microdonnees-anonymisees-Open-Data_t21400.html
[2] Il s’agit du rapport des enfants âgés de 5-6 ans scolarisés (préscolaire et primaire) sur le nombre total des enfants âgés de 5-6 ans.
[3] Le taux net de scolarisation est le rapport entre le nombre d’élèves inscrits dans un niveau donné d’enseignement qui font partie du groupe ayant officiellement l’âge de fréquenter ce niveau et la population du même groupe d’âge.